Décrochage...

Voilà... C'est fini... Journée au goût étrange. L'orage d'hier soir a assaini le ciel qui nous entoure. L'air est plus limpide et laisse paraître les évidences, les lueurs cachées. Les vraies couleurs se révèlent. Le monde alentour prend une autre saveur. Une page se tourne... Décrocher, c'est toujours difficile... Mais il y a des endroits dont on part à regret. Les salles se vident petit à petit. À chaque cadre enlevé, une place se creuse. À chaque toile décrochée, un manque apparaît. Les cimaises sont orphelines. Les chaînes, tels des bras inutiles, semblent s'abandonner à une tristesse sans nom. Alors, on n'ose plus regarder les murs, de peur de les voir pleurer. On n'ose plus lever les yeux vers les derniers cadres accrochés, sachant qu'à leur place un espace, un vide, une béance apparaîtra. Alors, sur les derniers mètres, dans les dernières minutes, on travaille dans le brouillard. Celui qui embrume notre regard, celui qui alourdit notre cerveau, celui qui empèse notre cœur, celui qui creuse notre ventre. On traîne des pieds. On voudrait bien rester encore un peu, encore un temps. Mais on le sait. Il faut partir. Il faut finir. Et puis tout ça, tout ce qu'on a exposé, c'est un peu de nous, c'est beaucoup de nous. C'est notre cœur, notre vie, nos humeurs, nos envies. Ce sont des moments d'émotion qu'on a voulu partager avec des yeux étrangers, des yeux curieux, des yeux ravis ou rêveurs, mais d'autres yeux que les nôtres. Avec vos yeux... Alors, c'est difficile de décrocher parce que décrocher ça veut dire, ranger, remballer, repartir au fond des ateliers, le long des murs, là où personne ne jette un œil, là où on ne s'attarde pas, là où on ne s'attarde plus... Une fois décrochées les images sont éteintes. Comme mortes. Plus de lumière, plus d'émotion, tout disparaît…

Merci Christophe, de la brasserie Jean Jaurès à Castres, pour m'avoir offert tes murs quelques jours. C'est le cœur lourd que j'en suis partie aujourd'hui...